La voix des victimes du terrorisme et la construction de leur mémoire.
El pasado 25 de Noviembre de 2023 tuve el honor de ser invitado por la Fundación Fernando Buesa a participar en un coloquio en Biarritz sobre la construcción de la memoria de las victimas del terrorismo. Posteriormente y a sugerencia de Martin Alonso transformé mis notas en un pequeño artículo.
Au sujet de la construction de la mémoire des victimes du terrorisme au Pays Basque.
Samedi 25 novembre j’ai eu l’honneur de participer à un colloque dont le sujet était “la construction de la mémoire des victimes du terrorisme” invité par la Fondation Fernando Buesa, à qui je tiens à remercier de l’avoir organisé d’abord et de m’y avoir invité à participer ensuite.
J’avoue qu’au début cela m’a surpris. Je me sentais un peu comme un intrus, car je suis loin d’être une victime, je n’avais pas cette légitimité là pour parler ce jour-là. Je ne suis pas non plus un penseur ou un intellectuel qui ait spécialement réfléchi sur la question comme mes collègues de table. Il est vrai que j’ai un vécu peut être un peu particulier si l’on veut certes, et qui m’a fait pas mal cogiter quand même...mais bon. Rien d’extraordinaire. J’ai eu l'occasion d’écrire quelques articles, quelques témoignages, et quelques prises de position. Ça m’a fait un bien fou d’ailleurs, un exercice que je recommande. Voici quelques pièces publiées:
Un niño de los 80 (Un gamin des années 80)
A mi madre en los días del fin de ETA (À ma mère dans les jours de la fin de l’ETA)
Herenegun o el terrorismo de ETA explicado a mi hija. (Avant-hier, ou le terrorisme de l’ETA expliqué à ma fille.)
Vous voyez bien que c’est une histoire de famille... Et puis un résumé: Cronología personal del País Vasco (Chronologie personnelle du Pays Basque).
À part cela, qui est peu de chose en réalité, rien de particulier. J'imagine donc qu’en réalité dans un colloque intitulé La construction de la mémoire des victimes du terrorisme. J’avais été invité dans ma condition d’architecte, d’ailleurs cela a été annoncé comme ça. Je vais donc parler en tant que tel: Pour construire quoi que ce soit, il faut tout d’abord une méthode. Et puis si l’on veut construire quelque chose qui perdure dans le temps il faut des fondations solides... Mais avant tout, la première chose à faire c’est un relevé précis de l'état des lieux. C’est le point de départ.
Alors pour la La construction de la mémoire des victimes du terrorisme au Pays Basque il faut donc aussi et comme toujours faire un relevé precis, puis des sondages pour connaítre le terrain sur lequel on doit bâtir la mémoire des victimes. En gros nous avons:
Une société qui pâtit d’un syndrome d’Estocholme d’une profondeur insaisissable.
Le Pays Basque de Pavlov , un pays où les reflexes acquis par la population pendant des décennies font que les violents n'ont plus tellement besoin de tuer pour soumettre les dissidents à leur volonté.
Une société de l'auto complaisance, qui veut tourner la page rapidement sur un épisode pas très glorieux de son passé récent.
Mais aussi un société libérée de son propre fléau, qui commence à s’éveiller lentement, qui commence à découvrir la liberté pleine. Après quarante ans de dictature militaire et 50 ans de Dictature terroriste. Engourdi, le Pays Basque commence à se lácher. A se réveiller d’une longue nuit dont il n'est pas sur de se souvenir de tout ce qui s’est passé.
Les futures générations nous poseront des questions pas commodes, du moins je l’espere.
Heureusement, et contre tout pronostique nous avons un excellent bureau d’études pour cette reconnaissance du terrain sous la forme d’historiens chercheurs, et d’un Centre Mémorial des Victimes du Terrorisme à Vitoria. Personnellement jamais j'aurais imaginé que nous aurions un jour un tel outil, dont la devise est la rigueur scientifique. C’est assez impressionnant de visiter ce centre, on y voit sa propre histoire sous vitrine. Voire l’Histoire des années du terrorisme sous vitrine à un pouvoir curateur non négligeable. Nous avons aussi un tissus associatif autour des victimes qui est très actif. Heureusement, car après le relevé d’état des lieux il faut préparer le terrain et creuser. Creuser est très important.
Aussi, très souvent il faut assainir le terrain, enlever les terres polluées. C’est crutial, car les restes de haine et de fanatisme peuvent corrompre les fondations de ce que nous avons à construire. En ce sens, le travail que les associations dévelloppent chacune à sa manière est indispensable: De la sensibilisation, jusqu’ au rappel, en passant par la dénonciation des actes pro terroristes qui subsistent parmis nous, ce travail reste fondamental. Nous en sommes là actuellement. Pas plus loin à mon sens, ancrés dans un moment un peu cathartique où les témoignages, les récits, les romans les films, les séries foisonnent, nous vidons notre sac. Les basques vident leur sac...et il y a du boulot!
Vient ensuite le moment de poser les fondations, de bonnes fondations bien solides. Mais... Pour construire quoi exactement? Quel est le projet? Quelle mémoire pour quelle société?
Je pense que la question de la mémoire, la mémoire des victimes dans ce cas, la mémoire de la violence térroriste, la mémoire de notre passé ténébreux est étroitement liée à la question du projet de société. Quelle mémoire des victimes du térrorisme pour quelle societé future?
En architecture, pour faire un bon projet il faut d’abord ce poser les bonnes questions. Mon doute est de savoir si nous sommes en train de nous poser les bonnes questions.
Sommes nous prêts à vouloir construire notre futur avec les victimes du térrorisme, si dérangeantes au quotidien? Avons nous le choix en réalité? Peut on construire une société libre sans la mémoire de ceux qui ont souffert? De ceux et celles qui souffrent encore la violence térroriste, celle d’un passé qui ne passe pas? Peut on accepter dans cette société le projet politique au nom duquel ces victimes on été tuées? Jusqu'où va t’il ce projet et jusqu’où pourrait-on éventuellement l’accepter?
Personnellement je pense que le projet de société reste à dessiner. Car le travail de mémoire le reste aussi. Les fondations de notre société, de celle que nous allons laisser aux générations futures, se confondent avec les fondations de la mémoire de la violence terroriste au Pays Basque, que l’on veuille ou pas. Notre sort y lié. Daniel Libeskind, architecte auteur du Musée Juif de Berlin nous signale qu’ “On ne dessine jamais ex nihilo simplement parce que le papier est vide. Le document a déjà suivi un processus qui lui a donné une forme finale sur laquelle travailler. C'est peut-être ainsi que j'aimerais voir les choses, qu'on ne soit pas libre seulement d'inventer les lignes, ou de les traiter comme des phénomènes purement indépendants. Mais même si on les considère uniquement du point de vue graphique, ils seront toujours l'indication qu'il y a quelque chose qui précède sa réalisation, quelque chose qui a déjà été projetée dans son propre avenir, un avenir qui pourrait rester invisible pour ceux qui sont insensibles à ce qu’ils font. L'absence de contenu ne pouvait être qu'apparente ; peut-être qu’en réalité, les lignes invisibles ne sont pas seulement des lignes abstraites que l’on peut voir, mais sont les lignes sur lesquelles l’avenir évoluera inévitablement. Tout architecte, tout urbaniste qui travaille avec l'avenir a la responsabilité connaître la trajectoire générale et la responsabilité éthique de ces lignes décisives, car il peut s'agir de lignes de dévastation, de lignes qui aboutissent à la mort, à la fermeture totale, ou de lignes de foi, d’ espoir ou d’ esprit.(...) L'architecture essaie toujours de s'accrocher à quelque chose et d'en faire un lieu, en disant : C'est mémorable; c'est l'endroit. Et attirer vers cet endroit toutes les ressources qui ont été abandonnées par d'autres...”
Un futur en liberté passe inéxorablement par une société consciente de son passé, par un travail de mémoire qui reste à faire.